Eric Monin est professeur en histoire et cultures architecturales et chercheur au Lacth (Laboratoire de recherche de l’École nationale supérieure d’architecture et de paysage de Lille).
Pourquoi les aubettes de Bachy ont leur place dans l’histoire de l’architecture du XXe siècle
Par Marie Vandekerkhove
La commune compte six de ces abris, coulés dans une seule pièce de béton. Un nombre encore important qui a attiré Eric Monin, historien à l’école d’architecture de Villeneuve-d’Ascq, qui participe à un vaste projet avec la municipalité, les habitants et l’Université de Lille pour faire reconnaître la contribution des aubettes au paysage rural.
C’est un élément tellement banal qu’on ne le remarque même plus le long des routes. « Mais la robustesse et la sobriété de ces ouvrages si communs ont modelé les paysages ruraux », analyse Eric Monin, qui se présente comme « le spécialiste de la banalité de ces objets ». Mais ces éléments de mobiliers ont tendance à disparaître… Bachy, fait remarquable, compte encore six de ces abris monoblocs en béton, répartis notamment le long de la départementale. « Les élus ont eu l’intelligence de les déplacer », renchérit l’historien : certains de ces abris ont changé de destination et servent désormais aux services techniques.
Deux orifices pour la déplacer
Ces aubettes, un terme né dans l’armée où elles abritaient le soldat qui faisait le guet, sont sorties de l’imagination d’un autocariste du Centre. « Il transportait les enfants en bus et a eu l’idée de fabriquer un abri pour les protéger », note Eric Monin. Il invente une forme minimaliste, pratique, peu onéreuse : un bloc de béton armé coulé d’un seul tenant qu’on pose sur une dalle. Et qui est percé de deux trous sur les côtés, permettant de passer une barre et de le soulever par une grue pour le déplacer. Fabriquées dans l’Indre par la société Socamep, ces aubettes sont produites à 4 000 exemplaires entre 1963 et 2008. Le Nord se dote de 167 d’entre elles… dont 6 rien qu’à Bachy. « Regardez, c’est une construction presque indestructible », s’enthousiasme Eric Monin devant celle installée à l’entrée du cimetière. L’universitaire a lancé un programme de découverte de ces composants du quotidien dans l’architecture avec « Héritages à portée de main » avec sept sites nordistes, dont Bachy. Plus de 850 maquettes miniatures ont été distribuées aux habitants Pour que les Bachynois se l’approprient, il a lancé un « concours d’aubettes » avec la commune : « Plus de 850 maquettes miniatures ont été distribuées aux habitants pour qu’ils les décorent », note Eric Monin. Trente-six maquettes sont revenues colorées, dessinées… Un jury composé d’universitaires, des élus, une artiste qui a déjà décoré deux aubettes à Bachy et le dernier patron de la Socamep (fermée en 2008) se réunit le 21 juin pour décerner les gagnants. Ces fragments d’art urbain seront exposés les 22 et 23 juin lors de la ducasse. Et qui sait, les auteurs des plus beaux spécimens pourraient relooker les quatre aubettes encore vierges.