Comité de pilotage

  • Luc Abbadie (UPMC, UMR Bioemco)
  • Nadia Arab (Université Paris-Est, Lab’Urba)
  • Denis Bard (École des Hautes Études en Santé Publique)
  • Sabine Barles (Université Paris 1, UMR Géo-Cités)
  • Emmanuel Bellanger (CNRS, UMR Centre d’histoire sociale du XXe siècle)
  • Nathalie Blanc (CNRS, UMR Ladyss)
  • Éric Charmes (ENTPE, RIVES, UMR EVS)
  • Pierre-Olivier Cheptou (CNRS, UMR CEFE)
  • Olivier Coutard (CNRS, UMR LATTS)
  • Laurent Devisme (ENSA Nantes, UMR AAU)
  • Véronique Dupont (IRD, UMR CESSMA)
  • Vincent Gouëset (Université de Rennes 2, UMR ESO)
  • Catherine Grout (ENSAP Lille, LACTH)
  • France Guérin-Pace (INED, UR Identités et territoires des populations)
  • Sylvy Jaglin (Université Paris-Est, UMR LATTS)
  • Loraine Kennedy (CNRS, UMR CEIAS)
  • Gilles Pinson (Sciences Po Bordeaux, UMR Centre Émile Durkheim)
  • Jean-Yves Toussaint (INSA de Lyon, UMR EVS)
  • Stéphanie Vermeersch (CNRS, UMR LAVUE)
  • Christine Voiron-Canicio (Université de Nice-Sophia Antipolis, UMR ESPACE)

 

5e journée de Prospective nationale de recherche urbaine

> 18 mai 2016, à Paris

Au printemps 2015, le CNRS a engagé une démarche de “prospective nationale de recherche urbaine”.
Cette démarche “apparaît comme un dispositif approprié pour débattre de ces questions et de ces enjeux. Prospective, parce qu’il s’agirait notamment de faire émerger les voies d’un renouvellement — d’une refondation ? — de la recherche urbaine ; et de contribuer ensuite à le faire advenir. Nationale, sans que cela signifie bien sûr une fermeture, qui serait absurde, aux débats scientifiques européens et internationaux sur ces questions, bien au contraire ; mais parce qu’il y a en France une histoire intellectuelle et institutionnelle qui a donné corps à une communauté de recherche urbaine, plus fortement peut-être, différemment à coup sûr, de ce qu’on observe, par exemple, dans les autres pays européens. De recherche urbaine, donc, prise dans un sens large et ouvert, et sans esquiver la confrontation avec la question « existentielle » de savoir si la notion de recherche urbaine — au sens d’espace intellectuel et de communauté scientifique qu’il faudrait soutenir dans la longue durée — a (encore) un sens !”
(Manifeste, mai 2015)
 
La démarche, qui souhaite associer l’ensemble de la communauté scientifique, est structurée par un comité de pilotage, et donnera lieu jusqu’à l’été 2016 à plusieurs journées d’étude ouvertes. Une rencontre de plusieurs jours, organisée en septembre 2016, conclura la démarche dont les résultats feront l’objet de diverses publications préparées à l’automne 2016.
 
Ces différents rendez-vous sont ouverts à l’ensemble des collègues ayant un intérêt pour les questions scientifiques urbaines et/ou pour la dimension urbaine de leurs objets de recherche, quels que soient leur statut et leur discipline de référence. La contribution active de jeunes chercheurs et de doctorants est spécifiquement encouragée. »

Argument de la journée du 18 mai 2016

 

La notion de fabrique urbaine est devenue usuelle sans faire l’objet d’une définition estampillée. Elle renvoie tout autant à l’idée d’élaboration, de transformation, de production… donc à une action ou plutôt à un ensemble d’actions, à une activité sociale, à ceux qui l’accomplissent, et dont l’objet est, d’une façon ou d’une autre, d’intervenir sur un espace et sa matérialité. Généralement utilisée au singulier, la fabrique urbaine mérite au contraire d’être interrogée dans sa pluralité. Elle a en effet beaucoup été abordée sous l’angle d’un urbanisme de planification et/ou d’un urbanisme de projet. Pour être déjà identifiés comme des objets de recherche, leurs acteurs, outils, logiques, doctrines, processus…, évoluent sans cesse, ce qui justifie de renouveler leur exploration, au Nord comme au Sud. Toutefois cet urbanisme de planification ou de projet cohabite avec des fabriques urbaines dont les processus et les effets sont moins visibles, moins problématisés et conceptualisés.
 
On peut penser à un urbanisme « de rattrapage » pour parler d’une fabrique urbaine « par le bas », très commune voire majoritaire dans certaines circonstances (peuplement massif et rapide qui est celui de l’Afrique subsaharienne aujourd’hui, phases de reconstruction post-crise, désinstitutionalisation des autorités urbaines, etc.), et qui produit informellement des tissus urbains dont il faut a posteriori « restructurer » les emprises irrégulières, équiper/assainir/desservir les espaces, régulariser les statuts. La fabrique urbaine prend également la forme d’un urbanisme « d’adaptation », qui vise à intervenir sur les tissus urbains vieillissants, parfois devenus obsolètes, inadaptés à l’évolution des usages ou des normes. Ils peuvent faire l’objet d’interventions massives et prises en charge par des procédures et institutions (cf. les programmes de rénovation urbaine ou d’amélioration de l’efficacité énergétique), mais ils sont aussi livrés à de multiples et successives micro-interventions de leurs occupants et/ou de leurs propriétaires parfois beaucoup moins visibles et dont les résultats additionnés sont peu connus.
 
Une autre fabrique urbaine correspond à des activités d’organisation et de fonctionnement des espaces. Cet urbanisme « de gestion » peut s’inscrire dans une intervention d’urgence, pensée comme la gestion transitoire d’une situation de crise, à l’image du modèle de l’encampement, éphémère ou, à l’inverse, qui peut s’accompagner d’une urbanisation pérenne. On peut encore penser à ces espaces urbains déjà constitués et saisis par une dynamique de déclin, où l’émergence d’une fabrique urbaine procède moins d’une «intervention de construction» que d’une « intervention de gestion » consistant à réorganiser l’affectation et le fonctionnement des espaces et produisant, de la sorte, de nouveaux morceaux de ville.
 
Ces diverses modalités de fabrique urbaine n’épuisent pas leur pluralité. Mais l’objet n’est pas ici de viser à leur recensement exhaustif. Aussi contrastées soient-elles, elles ont en commun, au Nord comme au Sud, de remettre en cause à la fois les approches dominantes du temps, de l’espace qui sont au cœur des relations entre espaces et sociétés et celles des savoirs de l’urbanisme comme domaine de l’action. Loin d’être un épiphénomène, elles appellent à poser de nouvelles questions à la recherche.
 
Les fabriques urbaines sont également particulièrement bousculées du côté de leurs acteurs, des savoirs de l’action et des modalités d’organisation des actions collectives sur lesquelles elles reposent. Ces savoirs, qu’ils soient ceux du planning ou du projet sont en crise. En témoigne l’interpellation d’un droit à l’expérimentation ou l’entrée en scène de compétences qui débordent le socle historique de l’urbanisme : les designers issus du design industriel ou des « arts déco », les sciences de gestion et plus largement les sciences des organisations, l’ingénierie du numérique, l’écologie, les compétences artistiques… Comment interpréter ces évolutions dans une période où la société dite du savoir coexiste avec l’affirmation de l’incertitude, notamment sur les connaissances, les conditions et les enjeux de la fabrique urbaine. Ce contexte est aussi celui d’une recomposition des acteurs traditionnels et de l’apparition de nouveaux acteurs, où les innovations organisationnelles sont foison, ingrédients essentiels des coopérations à mettre en place dans les fabriques urbaines. La thématique de l’action collective en particulier passe sur le devant de la scène. Parce que les fabriques urbaines ne peuvent se comprendre indépendamment des acteurs, des savoirs et des organisations qui les portent, il importe d’interroger la façon de les construire comme objets de recherche et d’interpeller, sur ces sujets aussi, une prospective de la recherche urbaine.
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