Visio-conférence “Paysages : une région en transition”, avec la participation de Catherine GROUT

Organisée par l a Direction Régionale de l’Environnement, de l’AMénagmeent et du Logement et de l’Union Régionale des CAUE des Hauts-de-France, en partenariat avec la commune de Saint-Valery-sur-Somme.

La quatrième saison de paysage>paysages aborde le paysage par le dépaysement. On se sent parfois dépaysé devant un paysage, sans pourtant parvenir à cerner ce qui nous déconcerte, nous désoriente ou nous égare dans ce qui se tient face à nous, irréductible à nos expériences antérieures. De nouvelles émotions prennent formes, encore chancelantes, fragmentaires, équivoques, qui pourront lentement gagner en consistance, se clarifier. Cette quête du dépaysement a été longtemps une expérience esthétique rare, une recherche d’harmonie méditative ou initiatique. Certaines figures vagabondes comme Victor Segalen ou Nicolas Bouvier furent véritablement poreuses, traversées par le monde et ont rédigé des carnets éblouissants sur ses usages possibles. Mais dans la plupart des récits de voyage, l’exotisme a évité l’expérience troublante de l’altérité. Le timbre-poste, la carte postale, la page de veille des écrans d’ordinateur ou le dépliant d’agence de voyage sont en quelque sorte les icones insouciantes et illusoires de cette banalisation du dépaysement. Les paysages lointains se sont imposés dans nos imaginaires comme des décors hors sol, débarrassés des lignes de forces dérangeantes qui les innervaient en profondeur.

Cette extraction du sol domine désormais nos vies, y compris dans la perception de notre voisinage proche. Notre cadre familier apparait aujourd’hui sans cesse « dépaysé », vacant, noyé dans une uniformisation planétaire. La déterritorialisation est devenue l’expérience dominante du monde contemporain. C’est une forme amplifiée, mais comme inversée, du dépaysement. Elle désaccorde le lieu à ses soubassements, aux usages et aux complicités accumulés au fil du temps, pour ne laisser subsister qu’une dépouille démembrée de paysage. Les lieux de l’industrie touristique, de l’industrie agricole, des hubs de transport et des plateformes offshore occupent les pays comme une armée étrangère, dans l’amnésie, l’ignorance, le mépris des appartenances. Ce sont des lieux clonés sur un modèle dont la plantation coloniale fut à la fois le précurseur et le prototype. Des lieux qui s’épanouissent aujourd’hui uniformément et qui assèchent pourtant les potentialités du monde et les usages dissidents…

Nous vivons dans l’illusion d’une forme paysagère stable, multipliable à l’identique, alors même que la métamorphose rapide de nos écosystèmes nous rappelle chaque jour la nécessité d’une amplification de nos capacités de perception sensibles. Le dépaysement pourrait être fécond si nous apprenions à régler notre attention sur de minuscules portions de pays. Un réduit de paysage qui peut se révèler un condensé d’une densité insoupçonnée, et dont l’observation attentive permet de déployer des virtualités infinies.

Philippe Mouillon

Programme

Pour cette saison 4, Ça Remue ! invente des connivences nouvelles, iconoclastes et ludiques, entre porteurs d’intuitions scientifiques, artistiques et vernaculaires pour questionner nos usages du monde et les réinventer.

  • Nos nécessaires complices sont siffleurs d’oiseaux, anthropologues, bergères et bergers, performeuses, philosophes, physiciens, écologues, chasseuses d’échos, de nuages, architectes ou paysagistes…
  • Trois jours durant, ils vont concentrer leur énergie pour nous aider à ne plus surplomber le monde mais à l’accueillir tel qu’il palpite,
  • Le site historique du musée Dauphinois est transformé en un intense millefeuille d’expérimentations autour de ses composantes invisibles, négligées ou silencieuses, pour faire émerger des usages plus appropriés du monde.
  • En intercalant performances en extérieur, débats et conversations publiques, ces journées multiplient les formes d’intelligences collectives, de partage et de transversalités des savoirs afin de gagner en lucidité.

USAGES DU MONDE

TABLE RONDE PUBLIQUE 01 – MÉTAMORPHOSES : 

jeudi 15 / 10H > 13H / Chapelle / musée Dauphinois (Entrée gratuite dans la limite des places disponibles. Réservation indispensable ci-dessous)

(Introduction vocale de Marie-Pascale Dubé à 10H)

Autour de Nastassjia Martin, Marie-Pascale Dubé, Jean Bouscault et Johnny Rasse, Marie Chéné, Alexandra Engelfriet. « De plus en plus perméable, j’ai l’impression de prendre l’eau » résume Nastassja…. Ils sont artistes ou anthropologue, mais ils ont en commun de se tenir depuis l’enfance au bord de plusieurs mondes, les associant avec virtuosité par leurs capacités d’écoute, d’accueil, de traduction ou d’interprétation. Ils nous révèlent des voix enchevêtrées où l’humain et le non-humain dialoguent, des voix incertaines, fragiles, floues, déconcertantes, des résurgences obstinées qui nous offrent à percevoir comme une texture des premiers matins du monde ou à imaginer avec confiance les métamorphoses à venir du vivant.

TABLE RONDE PUBLIQUE 02 – ANIMALITÉS :

jeudi 15 / 14H30 > 18H / Chapelle / musée Dauphinois (Entrée gratuite dans la limite des places disponibles. Réservation indispensable ci-dessous)

(Introduction vocale de Jean Bouscault et Johnny Rasse à 13H45)

Autour de Pierre & Rémi Janin, Bruno Caraguel et Gilles Clément pour débattre de territoires attentifs aux formes vivantes et qui y puisent inspiration. Les frères Janin sont architectes, éleveurs et paysagistes. Ils utilisent le bétail ou les labours comme des vecteurs performants d’aménagement paysagé. Ils prennent en considération, dans le sens le plus puissant du terme, la nature environnante, la densité poétique du lieu, les êtres vivants qui le peuplent pour penser les spécificités territoriales. Bruno Caraguel dirige la Fédération des alpages de l’Isère et développe avec le LABORATOIRE le projet d’implantation d’un troupeau pérenne sur le campus universitaire réaffirmant la place des animalités dans les humanités, enfin le jardinier Gilles Clément propose des approches respectueuses et confiantes dans les initiatives spontanées de la nature. Les débats seront introduits par l’urbaniste Jennifer Buyck dont les travaux portent sur les liens entre villes, paysages et transitions urbaines.

TABLE RONDE PUBLIQUE 03 – ATMOSPHÈRES

vendredi 16 / 10H > 13H / Chapelle / musée Dauphinois (Entrée gratuite dans la limite des places disponibles. Réservation indispensable ci-dessous)

Le dépaysement est aussi un sujet politique et géopolitique. C’est sous l’angle des atteintes au paysage et aux saccages de nos milieux de vie que les artistes Douglas White et Anaïs Tondeur, la philosophe de l’art Catherine Grout, la géographe Anne-Laure Amilhat-Szary et l’anthropologue Marc Higgin nous invitent à débattre. Ils nous proposent de renouveler nos échelles et hauteurs d’observation, de resituer nos relations à l’horizon, notre manière d’être reliés au monde et à autrui, d’éprouver une co-présence vivante qui nous apporte la sensation d’un sol commun, dans son évidence et sa fragilité.

 

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